L’intelligence ambiante dans l’Internet des objets

L’intelligence ambiante dans l’Internet des objets

Vascoo-UP

Objets IntelligentsEn Inde, les outils de travail ont droit à une journée de repos. Chaque année, pour le festival Ayudha Puja, les ordinateurs, imprimantes et autres téléphones portables sont éteints, lavés, enduits d’encens et posés sur une estrade avec des couronne de fleurs pendant 24 heures. Nous pouvons y voir une pratique folklorique, un peu naïve et attendrissante. Ou au contraire, penser que les objets méritent bien un peu de « déconnecter ».

Objets connectés, avez-vous donc une âme ?

Par définition les objets dit intelligents peuvent imiter une réflexion humaine. Ces objets doivent être capables de s’identifier et d’agir sur leur environnement. Ils doivent aussi pouvoir communiquer avec d’autres objets intelligents à l’aide de réseaux.

Un objet intelligent n’est pas un objet doué de conscience ; la voiture automatique ne choisit pas d’éviter la mort d’un piéton selon un raisonnement moral, ou émotionnel, mais selon des critères logiques et algorithmiques. Un ordinateur ne bat pas des joueurs de poker en bluffant, mais selon des principes probabilistes, sur les cartes à sortir et sur le comportement des joueurs à la table.

En ce sens, les processeurs sont effectivement de plus en plus intelligents : le Machine Learning et le Deep Learning sont des processus qui rendent les machines capables d’apprendre de millions de données, de s’adapter et de donc d’analyser.

Les objets connectés font le lien entre cette intelligence et notre monde physique. Alors que le Web restait un espace immatériel, les capteurs des smartphones ou des montres « intelligentes » opèrent un va et vient permanent entre notre corps et l’espace informatique. L’Internet des Objet (IoT) vient prolonger dans le monde réel cette puissance de pensée électronique.

L’intelligence d’un objet est donc à la fois phénoménale et très limitée. Une capacité à traiter rapidement une quantité immense d’informations provenant du monde réel, d’évoluer en fonction des données analysées et de s’adapter à l’environnement humain. Mais limitée à l’intelligence pure, sans âme ou conscience de soi.

Et c’est tant mieux. Car ce n’est pas l’intelligence artificielle qui menace l’humain mais au contraire la conscience. L’intelligence puissante dénuée de morale conclut qu’une attaque nucléaire est stupide, tandis que le robot consciencisé de nos fantasmes cherchait à prendre le pouvoir.

Un bouleversement du rapport homme-objet

Que les objets intelligents ne représentent pas la menace annoncée par Bill Gates et Elon Musk[1] ne veut pas dire qu’il faut les ignorer. L’Internet des objets représente un secteur ancré en forte croissance :

  • Le marché mondial des objets connectés a presque doublé en 2013 et 2015 et sera triplé d’ici 2018
  • On estime une base installée de 50 milliards d’objets connectés en 2020, 120 milliards en 2025[2]

Le développement des objets intelligents vient d’entrer dans sa seconde phase, que Google a récemment baptisé « l’Age de l’assistance »[3].

L’Internet des objets s’est développé initialement dans sa phase technologique. Depuis les premiers distributeurs de billets en 1974, jusqu’aux voitures sans chauffeur, les innovations ont porté sur des problématiques technologiques : quels types d’objets peut-on connecter ? Jusqu’où peut-on les rendre interopérables ? C’est dans cette phase que les machines ont trouvé leur place dans nos usages : moteurs de recherche, géolocalisation, paiement sécurisé grâce au téléphone portable…

La seconde phase bouleverse beaucoup plus notre rapport aux machines. Le déploiement de l’intelligence à la place du calcul ne vient pas accroître la place des objets ; elle vient leur donner une nouvelle place. Les chatbots et autres objets sont en passe de réussir le test de Turing et de dialoguer avec nous de façon naturelle. Les conséquences sont fortes : la requête n’est plus une question traduite en logique de machine. Ce n’est d’ailleurs même plus une question. C’est une relation entre deux « intelligences » connectées.

A ce titre, la domotique, de plus en plus sophistiquée, s’insinue déjà chaque jour un peu plus dans les habitats, revendique de gérer à notre place et se pique de faire ‘’du monde un endroit meilleur’’.

Quels enjeux pour les entreprises ?

Cette seconde phase initie une « économie de l’assistance », caractérisée par la personnalisation et la sémantisation des requêtes. Les machines ne reçoivent plus des commandes pour enclencher une série de calculs, mais apprennent, comprennent le langage de tous les jours, sans traduction. Pour Google, cela signifie la mort du moteur de recherche et du Business Model traditionnel. L’utilisateur ne vient plus demander ponctuellement, il reçoit en permanence. Cela exige la création d’un écosystème[4] de plus en plus maillé et fin.

Avec l’intelligence artificielle, ce n’est plus l’OS dominant/performant qui remporte l’adhésion, mais celui dont on devient « proche ». Pas celui que l’on connaît, mais celui qui nous connaît : nos réseaux, habitudes de travail, tics de langage.

L’impact pour les entreprises est fort. Cela nécessite de repenser leurs stratégies de visibilité numérique et d’adapter leur messages et langage selon des logiques de flux plutôt que de destination. Le but n’est plus d’être au bout du processus d’achat, mais d’exister dans l’écosystème de l’utilisateur et d’être présent tout au long du parcours.

« Je ne comprends pas ce que vous voulez » n’est plus une réponse acceptable. Les objets intelligents demandent de penser client, encore plus. Dans la phase « technologique », les clients traduisaient leurs besoins en requête, puis allait chercher. Dans la phase « intelligente », les clients attendent plus de suggestions, en amont de leur décision d’acheter.

Il convient d’anticiper ces nouvelles exigences, pas encore de mobiliser des investissements supplémentaires. Nous n’en sommes qu’aux prémices des objets intelligents. La courbe de diffusion de l’innovation de Rogers nous enjoint à suivre de près les adoptions de ces innovations afin de ne pas rater une transition qui nous laisserait bêtes.

Hubert BASTIDE
Consultant

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[1] https://framablog.org/2016/08/08/internet-des-objets-risques/
[2] http://www.nature.com/news/society-build-digital-democracy-1.18690
[3] http://www.frenchweb.fr/google-annonce-la-mort-du-moteur-de-recherche-et-lavenement-de-lage-de-lassistance/286043
[4] https://blog.econocom.com/blog/les-objets-connectes-deviennent-intelligents/